Blog Droit social - Protection sociale

EPILOGUE DE LA LONGUE SAGA BABY-LOUP : la clause du règlement intérieur relative à l’obligation de laïcité et de neutralité jugée licite par l’Assemblée Plénière

Rappel des faits :

Une crèche associative avait procédé au licenciement de sa Directrice-Adjointe, qui avait refusé d’ôter son foulard islamique, qu’elle portait à son retour de congé parental, et ce, en application d’une clause du règlement intérieur de l’Association imposant au personnel de la crèche une obligation de laïcité et de neutralité rédigée comme suit : « Le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes, qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche. ».

S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, la salariée avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de son licenciement.

Déboutée de ses prétentions devant la Cour d’appel de Versailles, la salariée avait décidé de former un pourvoi en cassation. La Cour de cassation avait alors fait droit à la demande de la salariée aux motifs que « le principe de laïcité institué par l’article 1° de la Constitution n’est pas applicable aux salariés de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu’il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. »  ; sans compter le fait que « la clause du règlement intérieur instaurant une restriction générale imprécise ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du Code du travail » (Cass. soc., 19 mars 2013, n°11-28.645) .

C’est ainsi que le licenciement pour faute grave de la salariée avait été jugé nul par la Chambre Sociale de la Cour de cassation aux termes de cet arrêt.

Toutefois, la Cour d’appel de Paris, faisant preuve de résistance, n’avait pas suivi la position de la Cour de cassation, en jugeant le licenciement de la salariée fondée sur une faute grave, aux motifs que « l’association Baby Loup peut être qualifiée d’entreprise de convictions en mesure d’exiger la neutralité de ses employés », outre l’absence d’interdiction générale édictée par le règlement intérieur selon la Cour d’appel (CA Paris, 27 novembre 2013, n°13/02291).

Dans la même lignée que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris sans adopter néanmoins la même motivation, et alors que la Chambre Sociale l’avait jugée trop imprécise, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation admet la licéité de clause du règlement intérieur

Selon l’Assemblée plénière, la Cour d’appel a donc pu déduire de cette rédaction le caractère suffisamment précis, justifié et proportionné d’une telle restriction, en appréciant concrètement les conditions de fonctionnement de l’Association, de dimension réduite, n’employant que 18 salariés qui étaient ou susceptibles d’être en contact avec les enfants ou leurs parents.

Au regard de la rédaction de l’arrêt, il apparaît que l’effectif réduit de l’Association ait constitué un élément déterminant dans le cadre de la prise de position de l’Assemblée Plénière.

Se pose inéluctablement donc la question suivante : Cette solution jurisprudentielle a-t-elle vocation à s’appliquer à tous les cas de figure, en particulier s’agissant de salariés d’entreprise avec des effectifs beaucoup plus importants, dont tous les salariés ne seraient pas nécessairement en contact avec les enfants ?

En tout état de cause, l’Assemblée Plénière considère clairement que l’obligation de neutralité est justifiée par la nature de la tâche accomplie par les salariés. Dès lors, il en résulterait selon la Cour de cassation que les activités en lien avec de jeunes enfants sont de nature à légitimer une restriction de la liberté des salariés de manifester leurs convictions religieuses.

 A noter que contrairement aux juges du fond, la Cour de cassation a rejeté la qualification « d’entreprise de conviction », qui avait été attribuée à la crèche par la Cour d’appel de Paris

En conséquence, le licenciement de la salariée a pu être jugé fondé sur une faute grave en raison de son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter le voile et des actes d’insubordination répétés.

Cette décision met donc un terme à la saga Baby-Loup devant la juridiction nationale. Un recours devant la Cour Européenne reste possible.

En toute hypothèse, la question de la liberté d’expression religieuse sur le lieu de travail reste une problématique délicate à gérer en pratique, la prudence est de mise.