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Faute inexcusable : l’enfant conçu mais non encore né à la date de l’accident de son père peut voir réparer son préjudice moral

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation a reconnu le droit pour l’enfant qui était conçu mais pas encore né à la date du décès de son père, conséquence d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, d’obtenir réparation de son préjudice moral. Pour les Hauts magistrats, le lien de causalité entre le préjudice subi par l’enfant et le décès accidentel de son père est caractérisé.

Aux termes de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, en cas d’accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur suivi de mort, les ayants droit de la victime ainsi que les ascendants et descendants, qui n’ont pas droit à une rente, peuvent demander à l’employeur réparation de leur préjudice moral.

Pour rappel, les ayants droit sont les personnes désignées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du Code de la sécurité sociale (Cass. ass. plén. 2 fév. 1990, no 89-10.682), c’est-à-dire le conjoint survivant, les enfants légitimes, naturels et adoptés, les ascendants sous certaines conditions, les concubins ou la personne liée par un Pacs à la victime.

En application de cette règle, la Cour de cassation a pu ainsi préciser que la petite fille, née trois mois après le décès de son grand-père victime d’une affection professionnelle liée à l’inhalation des poussières d’amiante, ne pouvait pas percevoir d’indemnisation au titre de la faute inexcusable, le lien de causalité faisant défaut (Cass. 2ème civ., 4 nov. 2010, no 09-68.903).

En revanche, la Cour de cassation a déjà admis que les effets du mariage posthume confèrent à l’épouse de l’assuré décédé la qualité de conjoint à compter de la veille du décès, et l’autorisent de ce fait, en tant que conjoint survivant, à poursuivre la réparation de son préjudice moral (Cass. 2ème civ., 8 janv. 2009, no 07-15.390). Précisons, qu’à l’époque des faits, le Code de la sécurité sociale ne reconnaissait pas la qualité d’ayant-droit à la concubine. Une première étape dans la reconnaissance du préjudice moral des ayants droit non expressément visés par le Code de la sécurité sociale que la Cour de cassation a poursuivi avec l’arrêt du 14 décembre 2017.

Dans cette affaire, un intérimaire est victime d’un accident mortel du travail alors qu’il effectue une mission. Sa veuve agissant en son nom personnel mais également en tant que représentante légale de ses enfants saisit le tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur et obtenir réparation de son préjudice et de celui de ces enfants. Élément important : au jour du décès du salarié, sa veuve était enceinte de leur deuxième enfant qui est né près de trois mois après.

Son action est accueillie. La société d’intérim et l’assureur conteste alors la décision d’indemniser le préjudice moral de l’enfant qui n’était pas né lors de décès de la victime au motif que le lien de causalité n’était pas direct et certain entre le décès accidentel de la victime et le préjudice « prétendument subi par son fils né après son décès ». Un argument rejeté par les Hauts magistrats qui indiquent que « dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu  ». Pour la Cour de cassation, l’enfant souffrant de l’absence définitive de son père décédé, l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel et ce préjudice étaient donc caractérisés.

En conséquence, l’enfant conçu mais non encore né à la date de l’accident mortel doit être considéré comme un ayant droit pour l’application de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

  • Cass. civ. 2ème, 14 décembre 2017, n°16-26687.

Source : Lamy Line