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Un employeur peut mettre en cause un médecin du travail

Le Conseil d’État a rejeté un recours mettant en cause la possibilité pour un employeur d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire contre un médecin.

  • CE, 11 oct. 2017, n°403576.

Genèse. — Le recours en question avait été formé par plusieurs associations, représentant en particulier la médecine du travail. Au Premier ministre, elles demandaient que la liste des personnes habilitées à déposer une plainte devant le conseil départemental de l’ordre contre un médecin, susceptible de donner lieu à une action disciplinaire, soit définie de façon limitative. L’objectif des associations : interdire qu’un employeur puisse faire pression sur un médecin du travail en initiant une action disciplinaire contre lui à raison des certificats ou attestations qu’il aurait rédigés et qui feraient un lien entre la pathologie dont souffre un salarié et les conditions de travail de ce dernier. Elles font valoir que les dispositions contestées (C. santé publ., art. R. 4126-1) sont susceptibles de porter atteinte à la protection du secret médical, au caractère équitable de la procédure disciplinaire contre le médecin et à l’indépendance de ce dernier (atteinte à l’exercice de ses missions légales).

Le Conseil d’État a eu à connaître du recours en question après le rejet par le Premier ministre de la demande des associations de modification de l’article R. 4126-1 du Code de la santé publique. Précisément, celles-ci sollicitaient la suppression à l’article en question de l’adverbe « notamment » introduisant la liste non exhaustive des personnes susceptibles de déposer une plainte devant le conseil national ou départemental de l’ordre des médecins.

Fin de non-recevoir. — Le Conseil d’État a, le 11 octobre 2017, rejeté le recours des associations. L’occasion d’apporter des précisions sur l’interprétation à donner aux dispositions en cause. D’abord, le conseil juge que, s’agissant des personnes figurant dans la liste introduite par l’adverbe « notamment », seules les personnes « lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques » peuvent introduire, après avoir porté plainte devant le conseil de l’ordre, une plainte contre un médecin, ce qui inclut les employeurs, mais avec l’application d’un critère strict. Ensuite, il estime qu’un médecin mis en cause par la plainte d’un employeur n’est nullement tenu, pour assurer sa défense, de méconnaître le secret médical ou même de renoncer à se défendre afin de préserver le secret médical. Enfin, le Conseil d’État rappelle que les médecins du travail sont tenus, comme tous les autres médecins, au respect des obligations déontologiques de la profession, et notamment au respect de l’interdiction de délivrer des certificats de complaisance. Il indique toutefois que le juge disciplinaire devra tenir compte des spécificités des conditions d’exercice du médecin du travail qui, de par ses fonctions, a accès à un grand nombre d’informations sur le fonctionnement de l’entreprise et les conditions de travail des salariés.

Source : LexisNexis 2017