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La CNIL apporte des précisions relatives au recours au numérique dans les essais cliniques

Le 16 mai 2024, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après désignée : « CNIL ») a publié sur son site de nouvelles recommandations en matière d’essais cliniques. Tout d’abord, la CNIL a publié une mise à jour de ses bonnes pratiques en matière de contrôle à distance des données par le promoteur du projet de recherche. Ensuite, elle a également apporté des précisions relatives aux conditions dans lesquelles le suivi des patients à domicile dans le cadre d’une recherche, étude ou évaluation en santé peut être conforme aux exigences des méthodologies de référence.

La mise à jour des bonnes pratiques de contrôle qualité à distance des essais cliniques

Pour rappel, le contrôle qualité (aussi appelé : « monitoring ») consiste à vérifier l’exhaustivité et l’exactitude des données transmises par les centres d’investigation au promoteur de la recherche, afin d’assurer la fiabilité de ses résultats. Cette phase de contrôle consiste en la comparaison des documents source de l’étude (par exemple, les dossiers médicaux ou les comptes rendus d’analyse de laboratoire) avec les données collectées dans le cahier d’observation de l’investigateur. Le contrôle qualité se déroule habituellement dans le centre dans lequel le patient est pris en charge et sous la surveillance de l’investigateur.

Cependant, depuis la crise sanitaire liée à la COVID-19, le recours au numérique dans la réalisation de contrôle qualité à distance des essais cliniques s’est fortement développé, encouragé notamment par les recommandations de la CNIL publiées en avril 2021 durant la crise sanitaire qui autorisaient la mise en œuvre du contrôle qualité à distance, dans le cadre d’une simple déclaration de conformité aux MR-001 et MR-003.

Cette méthode implique alors la mise en œuvre de garanties fortes pour la protection des données à caractère personnel des personnes participant au programme de recherche. Dans ce contexte, la CNIL propose aujourd’hui aux acteurs de la recherche clinique une liste de bonnes pratiques à adopter afin de garantir cette protection dans le cadre du contrôle qualité à distance.

Suite à la mise à jour de ses recommandations en la matière, la CNIL établit désormais que ses anciennes recommandations adoptées en avril 2021 ne sont plus valables. Par conséquent, les promoteurs de recherche seront désormais contraints de déposer une demande d’autorisation à la CNIL pour la mise en œuvre du contrôle qualité à distance. Le dossier devra notamment attester l’information des patients (la CNIL précise d’ailleurs dans ses bonnes pratiques les conditions permettant d’adresser une note d’information par voie électronique tout en assurant la protection des données des patients) ; le respect du principe de minimisation des données transmises ; le respect des conditions de sécurité commune ; ou encore le respect des conditions de sécurité spécifiques à la solution de contrôlé qualité à distance choisie.

Ainsi, la CNIL précise que : "les essais débutés depuis le 1er janvier 2022 pour lesquels la mise en place d’une telle mesure de dématérialisation est prévue doivent désormais obtenir une autorisation de la CNIL" car le contrôle à distance n’est pas prévu dans les méthodologies de référence MR-001 et MR-003 et sa mise en place nécessite donc une documentation spécifique dans le dossier de demande d’autorisation. La CNIL indique cependant envisager d’intégrer le contrôle qualité à distance des essais cliniques dans les méthodologies de référence (à noter qu’elle mène en ce moment une phase pilote relative aux essais cliniques décentralisés avec la Direction générale de la santé, la Direction générale de l’offre de soins et l’Agence nationale de sécurité du médicament, ainsi qu’une phase de concertation publique jusqu’au 12 juillet 2024 relative à l’évolution des méthodologies de référence et autres référentiels santé).

L’apport de précisions relatives aux conditions du suivi des patients à domicile dans les essais cliniques

Parallèlement au sujet du contrôle qualité à distance des essais cliniques, la CNIL apporte également des précisions relatives aux conditions dans lesquelles le suivi des patients à domicile peut être conforme aux exigences des méthodologies de référence (notamment les MR-001 et MR-003, dont les dispositions de l’article §2.3.2 prévoient une liste des personnes pouvant être destinataires de données directement identifiantes concernant les personnes participant à la recherches).

La CNIL vise ici les situations où, dans le cadre d’une recherche, étude ou évaluation en santé, certains patients ne sont pas en mesure de se rendre dans les lieux de la recherche, par exemple car leur condition physique ne leur permet pas un tel déplacement. Dans ces situations, les responsables de traitement peuvent faire appel à du personnel dédié à la coordination du suivi à domicile. La CNIL identifie alors deux cas de figure.

Dans le cas où le centre investigateur fait appel directement à des infirmiers libéraux, "les infirmiers peuvent être qualifiés de personnel agissant sous la responsabilité du professionnel intervenant dans la recherche et assurant la prise en charge des patients", ce qui est conforme aux MR-001 et MR-003.

En revanche, si le responsable de traitement conclut un contrat avec un prestataire qui met à disposition des infirmiers, trois conditions doivent être réunies pour respecter les MR-001 et MR-003 : "l’information préalable des personnes concernées de l’intervention de cette société tierce, la mise en place de garanties pour assurer la confidentialité des données […] et une durée de conservation limitée au strict délai nécessaire pour permettre aux infirmiers de réaliser leurs missions".

Si ces conditions ne peuvent pas être remplies par le responsable de traitement, une demande d’autorisation devra être effectuée auprès de la CNIL.

La CNIL indique enfin que les modalités de suivi à domicile des patients pourraient prochainement être davantage précisées dans les méthodologies de référence à l’issue de la phase de concertation publique menée par la CNIL autour de ses référentiels santé.

Jeanne BOSSI MALAFOSSE, associée et Grégoire PETYT, stagiaire