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La CNIL lance une consultation publique sur deux référentiels relatifs aux accès précoces et compassionnels

Pour rappel, les procédures d’accès précoce et compassionnel sont prévues respectivement par les articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du Code de la santé publique. Introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 [1], leurs régimes sont entrés en vigueur le 1er juillet de la même année.

L’autorisation d’accès précoce (« AAP ») est réservée à certaines spécialités dont l’efficacité et la sécurité sont fortement présumées dans une indication thérapeutique précise visant une maladie grave, rare ou invalidante, sans traitement approprié et pour laquelle elles sont présumées innovantes. L’autorisation d’accès compassionnelle («  AAC »), permet quant à elle l’accès à un médicament afin de traiter des patients souffrant de maladies en l’absence de traitement approprié, dans une indication thérapeutique donnée sans qu’il ne soit destiné à obtenir une AMM en France.

1. Portée et champ d’application des projets de référentiels « Accès précoce » et « Accès compassionnel »

Les projets de référentiels soumis à consultation publique ont pour objectif de remplacer les anciennes autorisations uniques et packs de conformité privés de valeur juridique depuis l’entrée en vigueur du RGPD [2] . A cet égard, la déclaration de stricte conformité [3] aux référentiels par le laboratoire responsable de traitement suffira en lieu et place d’une autorisation de mise en œuvre du traitement délivrée par la CNIL. En cas de non-respect de tout ou partie des dispositions des référentiels, les acteurs concernés devront solliciter une autorisation spécifique (article 66(III) loi informatique et libertés) [4] .

Ils doivent encadrer les traitements mis en œuvre par l’entreprise disposant d’une AAP ou d’une ACC, lorsque ces derniers ont pour finalité « la mise à disposition du médicament sous autorisation d’accès précoce et le suivi des patients » [5] si ces derniers visent des patients, personnes affectées ou professionnels de santé résidant en France [6] . Notons que ces deux référentiels ne seraient ni applicables aux traitements mis en œuvre par les professionnels ou établissements de santé, ni aux traitements réalisés aux fins de traçabilité des médicaments par les laboratoires pharmaceutiques [7] .

En ce qui concerne le projet de référentiel relatif à l’accès compassionnel, la CNIL a exclu de son champ d’application les traitements relatifs au suivi des patients dans le cadre d’une autorisation obtenue à la demande d’un médecin prescripteur (Article L. 5121-12-1(II)) [8] . Sont également exclus les traitements nécessaires à la réalisation du protocole d’utilisation thérapeutique et de suivi des patients, ce dernier étant obligatoire dans le cas où les données d’utilisation du médicament dans la spécialité faisant l’objet de l’autorisation sont insuffisantes [9].

2. Les principaux points de mise en conformité des traitements mis en œuvre au titre de l’accès précoce ou compassionnel

Les projets de référentiels prévoient tous les deux que le recours à la sous-traitance ne peut avoir lieu que si ces derniers « relèvent » des juridictions d’Etats membres de l’Union Européenne ou d’un Etat ayant fait l’objet d’une décision d’adéquation [10] . Les traitements autorisés comportent ceux nécessaires à l’accès, l’initiation, au suivi ou à l’arrêt des prescriptions prévues aux articles L. 5121-12 et 5121-12-1 CSP, à la gestion des contacts avec les professionnels de santé, ainsi qu’à la réalisation des rapports de synthèse de l’article R. 5121-70-1 CSP [11] .

Quant à la base légale des traitements autorisés, il s’agit des obligations légales [12] des acteurs concernés en vertu des dispositions du [13]. Les données sensibles collectées le sont au titre de l’intérêt public en matière de santé publique (article 9(2)(i) du RGPD) [14] . Chaque référentiel précise de façon particulière les données qui pourront être traitées.

Les projets de référentiels prévoient que les données issues des traitements de suivi des prescriptions seront conservées en « base active » par le responsable de traitement pendant une durée de 2 ans suivant la publication des rapports de synthèse prévus aux articles R. 5121-74-6 et R. 5121-70-1 du CSP, soit si ces rapports ne sont pas prévus en matière d’accès compassionnel, à l’expiration de la décision d’autorisation de l’ANSM [15] . La durée d’archivage intermédiaire ne pourra pas dépasser 70 années à compter de l’expiration de l’autorisation pour l’accès compassionnel, ou à compter du retrait du marché du médicament pour l’accès précoce [16] .

Il est également prévu une mise en place d’un droit à l’information spécifique, afin de prendre en compte les risques associées conformément aux articles L. 5121-12-1(IV) et L.5121-12 du CSP [17] , en prêtant une attention particulière aux cas où les données concernées feraient l’objet d’une réutilisation à des fins de recherche [18] .

Notons que si les projets de référentiels prévoient les droits d’accès, de rectification ou de limitation du traitement par les personnes concernées, ils les privent du bénéfice des droits d’opposition, d’effacement ou à la portabilité des données [19] . Les traitements étant fondés sur une obligation légale et poursuivant un objectif d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, il sera donc uniquement possible d’agir afin de vérifier l’exactitude des données de suivi et d’opérer les modifications nécessaires. Le responsable de traitement devra tenir compte de ces limites lorsqu’il s’acquittera de son obligation d’information [20] .

La consultation publique, ouverte jusqu’au 25 mars 2022, conduira à l’adoption définitive des deux référentiels par la Commission. Les acteurs publics ou privés concernés par le champ d’application, y compris le Health Data Hub, sont invités à y contribuer à raison d’une contribution par référentiel.

[1Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

[2Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27/05/2016.

[3Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; pages 2, points 2(3).

[4Ibid.

[5Ibid. page 2, points 1(2).

[6Ibid. Pages 2, points 1(3).

[7Ibid. Pages 2, points 1(4).

[8Projet de référentiel CNIL « Accès compassionnel » ; page 2, point 1(4).

[9Article L. 5121-12-1(V) du CSP

[10Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; page 3, points 3(5).

[11Projet de référentiel CNIL « Accès compassionnel » ; page 4, point 4(2) ; Projet de référentiel CNIL « Accès précoce » ; page 3, point 4(2).

[12Article 6(1)(c) du RGPD.

[13Code de la santé publique Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; page 4, points 5(1).

[14Ibid. Points 5(2).

[15Projet de référentiel CNIL « Accès compassionnel » ; page 5, point 8(1).

[16Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; page5, points 8(2).

[17Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; page 6, points 9(2).

[18Projets de référentiels CNIL « Accès précoce » et « Accès compassionnel » ; page 7, points 9(7).

[19Ibid. points 10(1).

[20Articles 13 et 14 du RGPD.