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CO-VOITURAGE LUCRATIF AVEC LE VEHICULE DE FONCTION : LES PREMIERES DECISIONS

La pratique du covoiturage lucratif avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur constitue un motif de licenciement.

Une récente décision nous apporte un éclairage sur la validité d’une sanction, en l’espèce un licenciement, motivée par l’utilisation du véhicule de fonction permettant au salarié de retirer un bénéfice financier personnel.

Un responsable d’agence avait été licencié en raison de l’utilisation régulière, à raison de 112 fois sur une période de 4 ans, de son véhicule de fonction pour effectuer du co-voiturage lucratif par l’intermédiaire du site BlaBlaCar. Le conseil de prud’hommes de Nantes avait jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, considérant que l’intéressé reversait les sommes à des associations et que l’employeur n’avait pas formellement interdit cette pratique dans son règlement intérieur ni dans la note de service relative à l’utilisation des véhicules de fonctions.

La cour d’appel de Rennes censure cette décision en jugeant que « le fait pour un responsable d’agence de pratiquer le covoiturage avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur, en l’exposant à un risque compte tenu de l’absence de couverture de cette activité par l’assureur, constitue une faute justifiant le licenciement » (CA Rennes, 8e ch. 31 août 2018, n° 16/05660).

Les juges estiment qu’en l’absence de mention sur le co-voiturage lucratif dans le règlement intérieur, le salarié aurait dû solliciter l’autorisation de son employeur, ce qui aurait conduit celui-ci à informer le salarié que le contrat d’assurance souscrit pour le véhicule ne couvrait pas le transport onéreux de marchandises ou de voyageurs, même à titre occasionnel. Il résultait également des conditions générales du site BlaBlaCar que les conducteurs ne doivent en aucun cas réaliser des bénéfices et doivent en revanche vérifier que leur assurance couvre les personnes transportées.

La cour d’appel de Riom avait déjà reconnu le caractère fautif de l’utilisation du véhicule de fonctions pour pratiquer le co-voiturage à but lucratif mais avait considéré que le licenciement était injustifié, tenant compte de la très forte ancienneté du salarié (28 ans) et de la pratique récente du co-voiturage avec le véhicule de fonction (CA Riom 13 septembre 2016, n° 05/02104).

La position de la Cour de cassation sur cette question est attendue, au regard de l’essor de la pratique du co-voiturage et des dérives possibles de l’utilisation du véhicule de fonction.

  • CA Rennes, 8e ch. 31 août 2018, n° 16/05660