Tous les grands scandales fiscaux de ces dernières années (HSBC, UBS, luxleaks, Panama Papers, etc.) ont ceci de commun qu’ils ont pour point de départ un vol de données numériques, généralement commis par un salarié indélicat, tel le célèbre Hervé Falciani.
Les informations dérobées sont ensuite proposées à la vente (rappelons que certaines Gouvernements n’ont pas hésité à acheter des listes de comptes bancaires non déclarés) et ou communiquées à des journalistes.
Le fait que ce faisant les journalistes exercent leur rôle de contrepouvoir en distillant des informations issues d’un vol massif de données numériques peut être considéré comme sain dès lors que cela permet de jeter une lumière crue sur l’activité de places off-shore telle le Panama.
Rappelons tout de même que ces dernières ne se sont développées que grâce … à la formidable pression fiscale que font peser la plupart des pays occidentaux sur leurs entreprises ou contribuables, les poussant de facto recourir à des systèmes de plus en plus sophistiqués d’optimisation fiscale.
En matière de fiscalité, encore faut-il toutefois que les journalistes s’attachent à bien distinguer ce qui relève de la fraude fiscale au sens strict et ce qui relève de la simple optimisation fiscale. De ce point de vue, il n’est jamais inutile de rappeler au grand public que disposer d’un compte bancaire à Hong-Kong ou même d’une société panaméenne n’a rien d’illégal sous réserve que cela ne soit pas destiné à dissimuler des faits de corruption, de blanchiment ou de fraude fiscale.
En revanche ce qui peut parait beaucoup moins légitime est la volonté de plus en plus ouvertement affichée des Etats d’encourager le vol de données numériques et ce, sous couvert de l’appellation trompeuse de « lanceur d’alerte ».
Le lanceur d’alerte tel qu’il apparait dans les différentes affaires financières précitées n’est en réalité que la version 2.0 du traditionnel « aviseur » de l’Administration fiscale.
Dans une circulaire du 2 novembre 2010, le Ministre de l’économie de l’époque indiquait pourtant que « aucune dénonciation anonyme ne sera prise en considération d’aucune façon, quel que soit le support utilisé à cet effet (oral, écrit, internet, blog...) »…
Depuis, le législateur a pourtant fait voter un dispositif (cf. article L.10-0 AA du livre des procédures fiscales) permettant à l’Administration d’utiliser en toute impunité des données volées dans le cadre d’un contrôle fiscal et s’apprête même à faire adopter un statut protecteur du « lanceur d’alerte » afin d’encourager ces nouveaux « chevaliers blancs » à dénoncer les agissements de leurs employeurs.
Demain tout collaborateur d’une entreprise, au motif d’une subite prise de conscience du caractère peut-être immoral de l’activité de son employeur, accessoirement parce qu’il n’a pas obtenu l’augmentation ou le poste sollicité, pourra donc livrer son employeur à la vindicte populaire en bénéficiant au surplus d’une protection contre d’éventuelles représailles.
Demain, il nous faudra donc apprendre à nos enfants que le vol et la délation sont des valeurs reconnues et encouragées par le législateur.