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Annulation de l’interdiction de vendre à l’état brut des fleurs et feuilles de cannabis sans propriétés stupéfiantes

Le 29 décembre 2022 [1], le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’arrêté ministériel du 30 décembre 2021 (ci-après « l’arrêté contesté »), caractérisant les variétés de chanvre pouvant être mises sur le marché, pour un usage industriel et pour les consommateurs [2].

En se fondant sur l’article R. 5132-86 du Code de la santé publique, l’arrêté contesté avait autorisé la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis présentant une teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) inférieure ou égale à 0,30%. Ce seuil maximal de 0,30% de THC est également applicable aux extraits de chanvre et aux produits dérivés qui intègrent ces extraits.

Par ailleurs, l’arrêté avait interdit la vente aux consommateurs, la détention par les consommateurs et la consommation des fleurs et feuilles à l’état brut, sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, des variétés de chanvre autorisées, même en mélange avec d’autres ingrédients.

Cette dernière interdiction, concernant spécifiquement la vente, la détention et la consommation des fleurs et des feuilles, même lorsqu’elles contiennent un taux de THC inférieur ou égal à 0,30%, a fait l’objet de l’attention du Conseil d’Etat.

Après avoir été saisi en urgence dès la publication de l’arrêté par des commerçants et des producteurs de chanvre, le juge des référés du Conseil d’Etat s’était prononcé par ordonnance du 24 janvier 2022 [3], et avait suspendu provisoirement l’exécution de cette interdiction. Il avait été jugé que l’interdiction générale et absolue de vente de fleurs et des feuilles présentait un caractère disproportionné, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté, justifiant une mesure de suspension d’urgence de cette disposition. L’exécution des autres dispositions de l’arrêté n’avait pas été suspendue.

Le 30 décembre 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé au fond sur la légalité de cet arrêté, et notamment sur l’interdiction de la vente, de la détention et de la consommation des fleurs et des feuilles. Le Conseil d’Etat rappelle qu’une telle interdiction doit être justifiée au regard de l’objectif de santé publique et proportionnée aux risques pour la santé que présentent ces substances.

Il constate que les risques pour la santé dépendent des quantités de THC et que la nocivité des autres substances contenues dans les fleurs et feuilles de cannabis, notamment le cannabidiol (CBD), n’est pas établie. En l’état des données scientifiques, le Conseil d’Etat juge que la consommation de fleurs et feuilles de cannabis dont le taux de THC est inférieur à 0,30% ne crée pas de risques pour la santé publique justifiant une mesure d’interdiction générale et absolue de leur commercialisation telle que prise par l’arrêté contesté. Ainsi, l’interdiction de la vente, de la détention et de la consommation des fleurs et des feuilles n’est pas proportionnée et doit être censurée.

De plus, le Conseil d’Etat rappelle qu’il existe des tests rapides et peu coûteux permettant d’identifier et de contrôler les fleurs et feuilles utilisées pour les stupéfiants. L’usage de ces tests permettant de distinguer les variétés aux propriétés stupéfiantes de celles n’étant pas nocives et dépourvues d’effet psychotrope, vient contredire l’argument du ministre des solidarités et de la santé qui justifiait l’interdiction en arguant une ressemblance entre les variétés.

Le Conseil d’Etat annule donc la disposition de l’arrêté contesté qui interdisait la vente aux consommateurs ainsi que la détention et consommation par ces derniers des fleurs et feuilles de variétés de cannabis autorisées.

Les dispositions de l’arrêté autorisant l’utilisation de variétés de chanvre (y compris feuilles et fleurs) avec un taux inférieur ou égal à 0,30% de THC et la production d’extraits et de produits respectant ce même taux maximal ne sont pas annulées par le Conseil d’Etat.


[1CE, 29 décembre 2022, n° 444887 et autres

[3CE, Ord. 24 janvier 2022, n °460055