En matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), la loi de finances pour 2024 a introduit une nouvelle règle de limitation de déduction des dettes contractées par les sociétés.
Il en résulte désormais qu’en application du IV de l’article 973 du Code général des impôts (CGI), ne sont pas déductibles, pour la valorisation des titres de sociétés, les dettes qui sont contractées directement ou indirectement par la société lorsqu’elles ne sont pas afférentes à un actif imposable à l’IFI.
Cette nouvelle règle d’exclusion des dettes non afférentes à un actif imposable s’applique à compter de l’IFI 2024 et s’accompagne de la règle de plafonnement suivante :
« Sans préjudice des II et III du présent article, la valeur imposable à l’impôt sur la fortune immobilière des parts ou actions déterminée conformément au premier alinéa du présent IV ne peut être supérieure à leur valeur vénale déterminée conformément au I ou, si elle est inférieure à cette dernière, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes qu’elle a contractées, à proportion de la fraction de capital de la société à laquelle donnent droit les parts ou actions comprises dans le patrimoine du redevable. »
Selon nos dernières informations, l’Administration fiscale pourrait être amenée à considérer que, contrairement à ce qu’une lecture littérale du texte laisse penser, un double plafonnement devrait intervenir pour limiter la valeur imposable à l’IFI des titres de sociétés à la plus faible des deux valeurs suivantes :
En conséquence, la règle de plafonnement de la valeur imposable à l’IFI des titres de sociétés serait double, et non pas alternative.
A titre d’exemple, soit une société dont les titres sont détenus en intégralité par un contribuable et qui détient elle-même un immeuble imposable d’une valeur vénale de 6 M€.
Par hypothèse, les règles de limitation de déduction des dettes prévues aux II et III de l’article 973 du CGI ne s’appliquent pas.
Les valeurs vénales des éléments au bilan de la société sont les suivantes :
Le ratio immobilier de la société (valeur vénale de l’actif immobilier / valeur vénale de l’actif total) s’élève à 50% (6 M€ / 12 M€).
La valeur vénale des titres de la société (valeur vénale de l’actif total diminuée de toutes les dettes) s’élève à 1 M€ (12 M€ - 4 M€ - 7 M€).
Pour déterminer la valeur imposable des titres à l’IFI, en application des nouvelles règles codifiées au IV de l’article 973 du CGI, seul l’emprunt afférent à l’actif immobilier (4 M€) est déductible. L’actif net s’élève donc à 8 M€ (12 M€ - 4 M€).
Compte tenu du ratio immobilier de 50%, la valeur imposable des titres s’élève, avant plafonnement, à 4 M€ (50% x 8 M€).
Cette valeur de 4 M€ serait ensuite plafonnée à la plus faible des deux valeurs vénales suivantes :
Dans cette hypothèse, la valeur imposable des titres serait plafonnée à la valeur vénale des titres de la société, à savoir 1 M€, puisqu’il s’agit de la plus faible des deux valeurs.
La valeur des titres imposable à l’IFI serait donc plus élevée que celle qui aurait été déterminée en l’absence de modification de l’article 973 du CGI mais demeurerait, dans une telle hypothèse (lorsque la valeur vénale des titres de la société est inférieure à la valeur nette du bien immobilier), inférieure à la valeur imposable si le bien immobilier avait été détenu en direct par le contribuable.
Considérons désormais que les valeurs vénales des éléments au bilan de cette société sont les suivantes :
Le ratio immobilier de la société s’élève toujours à 50% et la valeur vénale des titres de la société s’élève alors à 5 M€ (12 M€ - 4 M€ - 3 M€).
Compte tenu de l’emprunt immobilier de 4 M€ et du ratio immobilier de 50%, la valeur imposable des titres s’élève, avant plafonnement, à 4 M€ (50% x 8 M€), comme pour le premier exemple.
Cette valeur de 4 M€ serait plafonnée à la plus faible des deux valeurs vénales suivantes :
Dans cette seconde hypothèse, la valeur imposable des titres serait donc plafonnée à 2 M€ puisque la valeur la plus faible est la valeur nette de l’actif immobilier, et non pas à 5 M€ comme une lecture stricte du IV de l’article 973 du CGI le laisserait supposer.
La valeur des titres imposable à l’IFI serait donc moins élevée que celle qui aurait été déterminée en l’absence de modification de l’article 973 du CGI et serait égale à la valeur imposable si le bien immobilier avait été détenu en direct par le contribuable.
Cette approche selon laquelle la règle de plafonnement est double et non pas alternative est la bienvenue puisqu’elle permet, en tout état de cause, de ne pas imposer plus lourdement des contribuables qui détiennent des actifs immobiliers à travers des sociétés par rapport à ceux qui les détiennent en direct.
Il conviendra bien entendu de rester attentif aux éventuelles futures précisions de l’Administration fiscale sur cette nouvelle règle.
En tout état de cause, cette règle vient durcir les règles IFI qui permettaient auparavant assez aisément d’être moins imposé en cas de détention à travers une société qu’en cas de détention directe d’un bien immobilier.