Par un arrêt du 24 janvier 2024 (Chambre commerciale, pourvoi n°22-10.413), la Cour de cassation vient confirmer qu’en cas d’engagement collectif réputé acquis, l’exonération de 75% au titre de l’article 787 B du CGI ne s’applique que lorsque l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce, pendant les trois années suivant la transmission, une fonction de direction.
Une exonération de 75% sous réserve du respect de conditions strictes
Outre les conditions d’éligibilité liées à l’activité transmise, le bénéfice de l’exonération partielle de droit de mutation à titre gratuit prévue dans le cadre d’un Pacte Dutreil est notamment subordonné à la condition que l’un des associés signataires de l’engagement de conservation ou l’un des héritiers, donataires ou légataires de la transmission exerce effectivement dans la société son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes, ou une fonction de direction lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, pendant la durée de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission.
Dans l’hypothèse d’un engagement réputé acquis, la conclusion d’un engagement collectif, ou unilatéral, de conservation n’est pas exigée (article 787 B, b-2 du CGI) lorsque les conditions suivantes sont satisfaites :
Lorsque les conditions d’un engagement réputé acquis sont ainsi réunies, la transmission des titres peut intervenir à tout moment. Dans cette situation, les donataires, légataires ou héritiers doivent seulement prendre un engagement individuel de conserver les titres ainsi transmis pendant quatre années.
La question de la condition de l’exercice de la fonction de direction ou de l’activité principale à compter de la transmission des titres n’est toutefois pas expressément traitée par la loi en cas d’engagement réputé acquis.
La Cour de cassation confirme la position retenue par l’Administration : dans le cadre d’un engagement réputé acquis, les fonctions de direction ne peuvent être exercées par le donateur à compter de la transmission.
Au cas particulier dans une déclaration du 17 juin 2011 intitulée « reconnaissance de don manuel à titre de partage », un contribuable a procédé à une donation d’actions en pleine propriété, au profit de chacun de ses deux enfants sous couvert d’un Pacte Dutreil réputé acquis.
L’Administration fiscale, par une proposition de rectification du 16 décembre 2016, a cependant remis en cause l’exonération Dutreil appliquée au motif que la condition d’exercice d’une fonction de direction prévue à l’article 787 B, d du CGI dans sa rédaction à l’époque des faits par l’un des donataires n’était pas remplie dans la mesure où :
Le TGI de Bordeaux en 2019 (TGI, 17 juin 2019, N° 18/02831), suivi par la Cour d’Appel de Bordeaux le 23 novembre 2021 (n° 19/03868) et enfin la Cour de Cassation ont tous suivi la position de l’Administration fiscale, s’accordant ainsi avec la doctrine administrative et considérant que La fonction de direction (ou l’activité principale) doit être exercée par le donataire, le légataire ou l’héritier.
La Cour de Cassation vient donc ici confirmer la position retenue dans le cadre de deux réponses ministérielles. La première, publiée le 7 mars 2017, à la question n° 99759 de M. Moreau, indiquant pour la première fois dans l’hypothèse d’un engagement réputé acquis que le bénéfice de l’exonération partielle ne trouve pas à s’appliquer lorsque, postérieurement à la transmission, le donateur assure lui-même la fonction de dirigeant de la société. En effet, en l’absence de tout engagement de conservation des titres, le donateur, qui n’est pas signataire d’un tel engagement, n’est pas un « associé mentionné au a de l’article 787 B du CGI » et ne satisfait donc pas la condition fixée au d de cet article.
Cette position a été confirmée le 29 décembre 2022 dans une réponse ministérielle à la question de M. Bascher où le Ministre a rappelé que le BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §395, dans sa version publiée le 21 décembre 2021, précise bien « qu’en cas d’engagement réputé acquis, l’un des héritiers, donataires ou légataires doit exercer une fonction de direction afin de remplir les exigences du d de l’article 787 B du CGI ».
Dans cette perspective, l’Administration a toutefois pris soin de préciser que cette disposition n’exclut pas qu’un autre associé, y compris le donateur, exerce également une autre fonction de direction, ce qui demeure bienvenu, sous réserve, bien entendu, que les fonctions de direction des donataires soient effectivement exercées…
Le Pacte Dutreil réputé acquis présente ainsi l’avantage de limiter la durée des engagements de conservation à 4 ans à compter de la réalisation de la transmission vs. six ans dans le cas où la signature d’un engagement collectif ou unilatéral serait nécessaire. En revanche, il ne doit, en pratique, être mis en œuvre que dans les cas où la gouvernance peut être effectivement transmise à au moins un des donataires. Ce mécanisme n’est donc notamment pas applicable si les donataires sont des enfants mineurs.