Par ordonnance n° 429188 du 29 mai 2019, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de DigiSanté contestant le non-remboursement par l’assurance maladie de ses téléconsultations à Créteil.
Cette ordonnance intervient après la saisine sur requête en référé du Conseil d’Etat contestant une décision rendue par la Caisse nationale d’assurance maladie, (la « CNAM »), laquelle avait mis fin au remboursement des actes de téléconsultation réalisés via la plateforme Livi dont DigiSanté est prestataire technologique.
DigiSanté appuie le caractère d’urgence du référé en alléguant du fait que le refus de prise en charge des actes de téléconsultation porte une atteinte grave et immédiate à sa situation économique « dont le modèle économique repose sur la facturation des actes réalisés et au remboursement de ces actes par les Caisses d’assurance maladie ». En outre, DigiSanté ajoute que cette décision « entraîne l’impossibilité pour le centre de santé d’accomplir son activité principale de délivrer des soins remboursables par l’assurance maladie ».
La CNAM reprochait en l’espèce à DigiSanté de ne pas respecter l’avenant n°6 de la convention médicale publié au Journal officiel du 10 août 2018, qui permet la prise en charge par l’assurance maladie des actes de téléconsultation. Cet avenant fait suite à l’entrée dans le droit commun des actes de téléconsultation en prévoyant les conditions de leur prise en charge par l’assurance maladie.
L’avenant précité prévoit notamment l’inclusion de l’acte de téléconsultation dans le cadre du parcours de soins. En particulier, pour ouvrir droit à la facturation à l’assurance maladie, le patient doit avoir été initialement orienté vers la plateforme de téléconsultation par son médecin traitant ou être connu du médecin téléconsultant « c’est-à-dire ayant bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents, avant toute facturation de téléconsultation, afin que celui-ci puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d’un suivi médical de qualité ».
Par exception, il peut être dérogé à l’exigence de respect du parcours de soins coordonné pour les patients qui :
Dans ces deux cas de figure, et à titre d’exception, la téléconsultation est réalisée par un professionnel de santé qui n’est pas connu du patient. En tout état de cause, l’avenant ajoute que le recours aux téléconsultations doit être assuré dans le cadre d’une organisation territoriale.
Or, la CNAM reprochait à DigiSanté de méconnaître le caractère régional qui doit présider à l’organisation de la téléconsultation. En effet, le Conseil d’Etat relève que « L’organisation choisie par l’association DigiSanté repose, pour l’essentiel, sur un ensemble de médecins salariés à temps partiels qui ne sont mobilisés que pour des consultations de télémédecine » et qui ont vocation à délivrer des consultations de télémédecine sur la totalité du territoire national. Le Conseil d’Etat relève que l’activité de téléconsultation ainsi organisée par DigiSanté ne saurait être considérée comme agissant dans le prolongement d’une activité physique et ne s’inscrit pas dans le cadre de l’organisation territoriale telle que prévue par l’avenant n°6.
Par conséquent, le Conseil d’Etat rejette la requête présentée en référé par DigiSanté.
Cette décision du Conseil d’Etat illustre l’importance du respect des conditions définies à l’avenant n°6 pour la prise en charge des actes de téléconsultation. Leur entrée dans le droit commun de la prise en charge des actes médicaux n’est réalisée que dans un cadre juridique strictement défini qu’il convient de respecter.
En particulier, la téléconsultation n’a pas vocation à remplacer l’activité physique et ne saurait se développer hors d’une relation médecin — patients déjà établie que dans les deux exceptions précitées et strictement appliquées. Il n’apparait dès lors pas possible de construire son modèle autour d’une organisation nationale qui contreviendrait aux principes de ladite convention. L’activité de téléconsultation doit s’organiser localement et intervient comme accessoire, ou dans le prolongement, d’une relation existante sauf, lorsque celle-ci ne peut avoir lieu.
Il convient d’ajouter que le Conseil d’Etat n’a pas manqué de souligner « certaines imprécisions » qui affectent la définition de l’organisation territoriale. On peut dès lors espérer que la décision qui devra intervenir sur le fond apportera davantage de précisions sur le modèle d’organisation territoriale devant être observée.