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Dutreil réputé acquis : la fonction de direction doit incomber à l’un des donataires

Dans une réponse ministérielle du 7 mars 2017 (Rép. Moreau : AN 7 mars 2017 p.1983 n°99759), l’Administration indique que « dans l’hypothèse d’un engagement collectif « réputé acquis », le bénéfice de l’exonération partielle ne trouve pas à s’appliquer lorsque, postérieurement à la transmission, le donateur assure lui-même la fonction de dirigeant de la société »

Le dispositif Dutreil de l’article 787 B du CGI permet un abattement de 75% pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit dès lors notamment qu’un engagement collectif de conservation de titres d’au moins 2 ans a précédé l’engagement individuel de conservation de 4 ans des donataires ou héritiers.

Par exception, le 4ème alinéa de l’article 787 B assimile à un engagement collectif la détention depuis plus de 2 ans, par une personne (seule ou avec son conjoint / partenaire de PACS) de plus de 34% des actions (20% si la société est cotée) de la société cible. Il faut alors également que le donateur ou le défunt (ou son conjoint / partenaire) exerce des fonctions de dirigeant depuis au moins 2 ans.

Conçu comme une exception au principe de l’engagement collectif, le « réputé acquis » a toujours été conçu restrictivement puisque, par exemple, il n’est pas admis via une société interposée.

Dans une réponse ministérielle du 2 août 2016 (Rép. Féron : AN 2 Août 2016 p. 7144 n°72240), il a par ailleurs été indiqué que dans le cas d’une augmentation de capital par incorporation de réserves, seules les transmissions intervenant plus de deux ans après la dite opération permettent d’étendre le Dutreil aux titres issus de cette augmentation de capital (alors que la solution est plus souple en Dutreil classique).

Pour autant, le Dutreil réputé acquis reste d’application intéressante, notamment parce qu’il permet, d’étendre le champ d’application du Dutreil à une société unipersonnelle (ce que ne permet pas l’engagement collectif), de pallier à la disparition d’un entrepreneur imprévoyant, ou encore de réaliser une donation dans un délai de conservation global de seulement 4 ans.

C’est précisément dans le cas d’une donation sous pacte réputé acquis que l’Administration fiscale vient d’apporter une nouvelle fois une lecture restrictive du dispositif en énonçant que seul le ou l’un des donataires peut exercer les fonctions de dirigeant pendant les 3 ans suivant la transmission.

Cette lecture peut certes se prévaloir de la lettre du texte du d) de l’article 787 B du CGI mais elle créée néanmoins une distorsion peu compréhensible avec le dispositif général.

En effet, dès lors que le Dutreil avec engagement collectif permet expressément que les fonctions de dirigeant soient exercées par le donateur durant toute la période requise par l’article 787 B, on voit mal pourquoi il devrait en aller différemment en réputé acquis alors même que l’accès à ce dispositif est plus restrictif (le donateur devant à lui seul posséder le pourcentage minimum requis et exercer des fonctions de dirigeant depuis au moins 2 ans).

Enfin, cette réponse ministérielle se limite à énoncer que le donateur ne peut exercer la fonction de dirigeant au sens du Dutreil, mais ne se prononce pas sur le cas d’un Dutreil réputé acquis dans lequel le donateur et l’un des donataires seraient tous deux dirigeants… En application du texte, rien ne nous semble s’y opposer.