A compter du 1er janvier 2018 la France mettra en œuvre [1] le prélèvement à la source de l’IR. Cette réforme, même si elle ne change ni les règles de fond (et donc le montant dû par le contribuable) ni celles de forme (et donc l’obligation de déclarer en N+1 les revenus perçus en N) constitue une révolution non seulement pour les contribuables mais aussi pour … les tiers percepteurs (entreprises en particulier). Cette réforme extrêmement complexe sera ici envisagée seulement s’agissant du rôle des entreprises.
Le prélèvement qui sera opéré par un tiers payeur sur les revenus tels que les salaires ou pensions prendra la forme d’une retenue à la source.
Pour les autres revenus (BIC, BNC, BA, revenus fonciers principalement), le prélèvement prendra la forme d’un acompte, c’est-à-dire d’un prélèvement mensuel ou trimestriel opéré par l’Administration fiscale directement sur le compte bancaire du contribuable. S’il y a lieu des prélèvements sociaux seront alors payés avec l’acompte.
Le prélèvement sera calculé, pour chaque foyer fiscal, sur la base d’un taux propre à ce foyer.
Le taux du prélèvement (et, pour les revenus soumis à acompte, l’assiette du prélèvement) reposera sur des données historiques connues de l’Administration fiscale.
Ainsi, pour les 8 premiers mois de l’année, le taux du prélèvement sera calculé à partir des revenus de l’avant dernière année et de l’impôt y afférent. Pour les 4 mois suivants, ces éléments seront rafraichis en tenant compte de la dernière déclaration de revenus déposée.
L’impôt sur le revenu de référence pris en compte pour le calcul du taux du prélèvement sera apprécié avant imputation des réductions et crédits d’impôt.
Dans certains cas toutefois, c’est un taux par défaut [2] (ou « taux neutre ») qui s’appliquera et ce, soit aux « nouveaux entrants » (primo-déclarants, nouvel embauché que l’employeur n’a pas encore pas encore signalé), soit aux salariés qui souhaiteront par souci de confidentialité que leur taux de prélèvement réel ne soit pas communiqué à leur employeur. Cette option pour le taux neutre s’exercera à tout moment et sera mise en œuvre au plus tard le troisième mois suivant celui de la demande. A noter que les époux ou partenaires de PACS pourront également opter pour un taux individualisé, de même que le taux pourra être modulé à la hausse ou à la baisse en cours d’année à la demande des contribuables.
Les plus-values immobilières, qui font l’objet d’un paiement à la source de l‘IR et des prélèvements sociaux, ne sont pas concernées pas la réforme.
Il en va de même des revenus de capitaux mobiliers (qui font déjà l’objet d’un prélèvement à la source) et des plus-values sur valeurs mobilières et des droits sociaux.
Les revenus particuliers issus de l’actionnariat salarié (stock-options, actions gratuites, BSPCE) échappent aussi au prélèvement.
L’obligation de déclarer les revenus d’une année au début de l’année suivante est maintenue.
Enfin, le solde de l’impôt sur le revenu est calculé sur l’ensemble des revenus et des charges du foyer fiscal, après imputation des réductions et des crédits d’impôt.
Les retenues à la source et les acomptes d’IR payés en N s’imputeront en N+1, sur l’impôt dû au titre des revenus de N. Il en va de même des acomptes de prélèvements sociaux (sur les revenus fonciers par exemple).
La retenue à la source sera mise en œuvre par les débiteurs des revenus salariaux (employeurs publics ou privés, pôle emploi, caisses de retraites, gestionnaires de retraites complémentaires) qui pour l’occasion se voient étendre l’obligation de secret professionnel.
En pratique le salarié se verra donc verser par son employeur une somme désormais amputée de son impôt sur le revenu (calculé avant tout crédit ou réduction d’impôt).
Les échanges d’informations nécessaires à cette mise en œuvre seront réalisés entre la DGFIP et les tiers collecteurs grâce à la déclaration sociale nominative (DSN) ou, pour ceux qui ne le sont pas encore dans le champ d’application de cette déclaration au 1er janvier 2018, au moyen d’une déclaration spécifique dite « déclaration 3 en 1 ».
NB : Les collecteurs de la DSN au 1er janvier 2018 s’entendent des employeurs privés relevant du régime général de sécurité sociale ou du régime social agricole, de ceux qui ne seront pas encore à cette date mais auront vocation à y entrer au 1er janvier 2020, des employeurs publics ou des employeurs privés ne relevant pas du régime général de sécurité sociale.
Ces collecteurs seront soumis à trois obligations :
NB : Au cours du second semestre 2017, l’Administration fiscale communiquera aux différents collecteurs le taux du prélèvement applicable à compter du 1er janvier 2018 pour chaque salarié.
Dans le cas d’une identification impossible, aucun taux ne sera communiqué par la DGFIP. De même aucun taux n’est communiqué si le contribuable concerné n’a pas déposé de déclaration de revenus au titre des années précédentes, s’il est rattaché au foyer fiscal de ses parents ou s’il a opté pour la non transmission de celui-ci au collecteur. Dans ces différentes hypothèses, le collecteur (i.e. l’entreprise) devra faire application du taux de prélèvement par défaut.
La retenue à la source que devront pratiquer les entreprises s’applique au montant imposable à l’impôt sur le revenu, c’est à dire après déduction des charges cotisations sociales et de la fraction déductible de la CSG et avant application de la déduction pour frais professionnels.
En pratique le montant imposable des salaires et des pensions est déjà calculé par les employeurs et figure sur les bulletins de paie.
Le reversement de la retenue à la source précomptée par l’entreprise devra être effectuée au profit du Trésor à une date fixée par Décret, soit le mois suivant au titre duquel aura lieu le prélèvement, soit le mois du prélèvement si la paie est versée postérieurement à la période mensuelle d’emploi. Par exception, les entreprises de moins de onze salariés, sur option et dans les conditions fixées par Décret, pourront reverser la retenue à la source au plus tard le mois suivant le trimestre au cours duquel ont lieu les prélèvements.
Pour améliorer la lisibilité de l’impôt sur le revenu pour le contribuable, la retenue à la source devrait faire l’objet d’une ligne spécifique sur le bulletin de paie.
Chargée du calcul du taux du prélèvement, de sa communication aux tiers collecteurs, du prélèvement des acomptes ainsi que du recouvrement du solde de l’impôt, la DGFIP demeurera, comme actuellement, l’interlocuteur unique des contribuables.
C’est donc aux services de l’administration fiscale que les contribuables soumis à la retenue à la source devront s’adresser s’agissant du taux et du montant de la retenue appliquée par leurs employeurs ou caisses de retraite. Le taux du prélèvement commun et individuel applicable à compter du 1er janvier 2018 devrait d’ailleurs être indiqué sur l’avis d’IR 2017 sur les revenus 2016.
En revanche, la collecte et le reversement de la retenue à la source constituent des obligations incombant exclusivement aux tiers collecteurs qui en sont les débiteurs légaux. Par conséquent, les salariés ou les titulaires de pensions ne peuvent être ni sanctionnés ni poursuivis à raison d’éventuels manquement ou défaillances de leurs employeurs ou de leurs caisses de retraites en la matière.
La Loi a instauré différentes majorations et amendes destinées à sanctionner les entreprises à raison des retards, des insuffisances et du défaut de versement de la retenue. Leurs taux varient de 5% à 80% des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, étant précisé que le défaut de reversement des retenues effectivement prélevées peut, en outre, donner lieu à des poursuites pénales.
Notons que le défaut de reversement de la retenue à la source prélevée par un employeur ou une caisse de retraite ne fait pas obstacle à ce que les montants effectivement retenus en N soient imputés sur le montant de l’impôt issu de la déclaration déposée en N +1. En revanche en cas d’absence de prélèvement effectif et de reversement par le collecteur et compte tenu de l’impossibilité pour le contribuable d’effectuer des versements spontanés de retenue, le montant de l’impôt N est intégralement dû en N+1, aucune pénalité pour paiement tardif n’étant cependant appliquée au contribuable à raison du défaut du prélèvement.
(Article à paraître dans Finance & Gestion d’avril 2017)
[1] Sauf si le changement de majorité présidentielle et législative du printemps entrainait une remise en cause de cette réforme ce qui, objectivement, semble assez peu probable.
[2] Résultant d’une gille fixant le taux du prélèvement selon la fourchette dans laquelle s’inscrit la base du salaire versé audit salarié.