Dans sa décision du 30 septembre 2016, SAS Layher [1], le Conseil Constitutionnel a jugé contraire au principe d’égalité les dispositions de l’article 235 ter ZCA du CGI exonérant de la contribution additionnelle de 3% les distributions de dividendes réalisées entre sociétés intégrées en relevant qu’au regard de cette contribution, le fait d’appartenir à un tel groupe ne plaçait pas ces sociétés dans une situation différente des sociétés non intégrées.
Or, en matière de CVAE, l’article 1586 quater du CGI met en place des règles de détermination du taux de CVAE différentes selon qu’une société est membre ou non d’un groupe fiscalement intégré : ainsi, lorsqu’une société est membre d’un groupe intégré, le chiffre d’affaires à retenir pour déterminer le taux CVAE « s’entend de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres du groupe ».
En pratique, nombre de « petites » sociétés intégrées fiscalement (i.e. celles réalisant un chiffre d’affaire propre inférieur à 50M€) se retrouvent imposées à la CVAE au taux maximum de 1,5% alors même qu’elles supporteraient un taux nul ou beaucoup plus faible si elles n’étaient pas intégrées fiscalement.
En faisant ainsi référence à l’appartenance à un groupe fiscalement intégré pour déterminer le taux de CVAE, l’article 1586 quater crée manifestement une différence de traitement au détriment des sociétés intégrées par rapport aux sociétés membres d’un groupe qui n’a pas opté pour le régime fiscal de l’intégration.
Dans sa décision précitée relative à la taxe de 3% le Conseil Constitutionnel avait relevé que cette taxe était un impôt autonome, distinct de l’IS en ce qui concerne notamment les redevables, le fait générateur et l’assiette, ce dont il a déduit que l’exonération instituée par les dispositions contestées étaient sans lien avec le régime de l’intégration fiscale.
Il est tout aussi incontestable que la CVAE constitue également une imposition distincte de l’IS et qu’il est donc difficile de justifier, au regard des règles d’assiettes, le rapprochement opéré par la loi entre le régime de l’IS et celui qui frappe la valeur ajoutée produite qu’est la CVAE.
C’est dans ce contexte que le 1er mars 2017 [2] , le Conseil d’Etat a renvoyé devant le Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les modalités de calcul du dégrèvement dû par les sociétés membres d’un groupe intégré prévu au I bis du même article 1586 quater du CGI. Le rapporteur public, reprenant à son compte les arguments des juges de la rue de Montpensier, a souligné dans ses conclusions l’impossibilité de justifier, alors que l’assiette de la CVAE ne repose sur aucune consolidation de la valeur ajouté produite, que le taux effectif d’imposition des sociétés membres d’un groupe fiscal soit calculé à partir d’un chiffre d’affaire consolidé.
Il est donc probable que le Conseil constitutionnel, qui devra rendre sa décision avant le début du mois de juin 2017, entérine la non constitutionnalité du taux de CVAE applicable dans les groupes fiscalement intégrés.
Par prudence les entreprises concernées ont tout intérêt à solliciter d’ores et déjà le dégrèvement correspondant de CVAE.
[1] Cons. Const., 30 sept 2016, n°2016-571 QPC Sté Layher SAS
[2] CE, 8e et 3e ch., 1er mars 2017 n°406024 SARL FB Finance.